Andy Murray à Wimbledon, une victoire britannique ?

21 Juillet 2013



Le 7 juillet dernier, le tennisman britannique Andy Murray remportait le tournoi de Wimbledon – une victoire encensée par la presse depuis lors. Cependant, à un an du référendum sur l'indépendance de l'Écosse, la nationalité du champion né à Glasgow fait plus que jamais débat. Analyse.


Crédit Photo -- PA/dailymail.co.uk
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C'est incroyable, Andy Murray vient de remporter le tournoi de Wimbledon ! ». En ce dimanche 7 juillet, et après plus de trois heures de match, le tennisman vient de s'imposer face à Novak Djokovic. « Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que vous venez de réaliser, que ressentez-vous en recevant ce trophée ?», lui demande une journaliste. « C'est assez différent de l'an dernier, ironise le joueur (NB : Andy Murray avait perdu de justesse en finale contre Roger Federer), c'était un match incroyablement dur. Je sais combien tout le monde ici souhaitait une victoire britannique. Alors j'espère que ça vous fait plaisir ! ». Et Murray de brandir sa coupe dans un court en délires. La finale 2013 du tournoi de Wimbledon est d'ores et déjà entrée dans l'Histoire outre-Manche : il faut en effet remonter à 1936 pour trouver le dernier vainqueur britannique. « La victoire d'Andy Murray met fin à 77 ans d'attente britannique » titrait le Times au lendemain de la finale. Britannique … vraiment ?

Andy Murray est bien sûr britannique, mais aussi écossais, aiment à le rappeler certains. Né à Glasgow en 1987, le champion ne fait pas étendard de ses racines écossaises. Comme lors des derniers Jeux Olympiques de Londres, où il a remporté la médaille d'or, le joueur pose volontiers devant l' « Union Jack ». Personne n'a donc été surpris de voir les unes de la presse britannique consacrer le champion national. Pourtant, il en est autrement des journaux écossais. Là où d'autres auraient pu se réjouir de la victoire d'un « enfant du pays » et se limiter aux félicitations gentiment régionalistes, les surnoms attribués à Murray suscitent parfois la polémique. La « fierté de l'Écosse » pour le Courier, « Murray donne à la victoire un accent écossais » selon le Herald, « le vainqueur de Wimbledon, Andy Murray est le meilleur des Écossais » pour le Daily Record... Alex Salmond, le truculent premier ministre écossais, juge quant à lui que Murray n'est rien de moins que le « Roi de l'Écosse ». L'engouement suscité par l'exploit du tennisman rappelle en effet que sa victoire est sportive, mais aussi politique.

Un enjeu politique pour l'Écosse

En septembre prochain, cinq millions d'Écossais devront répondre à la question : « l'Écosse doit-elle être un pays indépendant ? ». Annoncé par Salmond en février, le référendum sur l'indépendance fait depuis l'objet de vifs débats outre-Manche. La question n'est pas nouvelle, car si l'Écosse fait partie du Royaume-Uni, elle possède certaines spécificités (système scolaire indépendant, livre sterling écossaise, parlement...) qui la distinguent du reste du pays. A un an du scrutin, toutes les occasions sont évidemment bonnes pour rappeler que l'avenir de l'Écosse au sein du Royaume-Uni sera bientôt remis en question.

Ainsi, quand le premier ministre écossais sort un « Saltire » (le drapeau écossais) du sac à main de son épouse pour le déployer dans les tribunes de Wimbledon, même les politiciens les moins avertis comprennent que le geste a une signification plus politique que sportive. Outre le fait qu'elles aillent à l'encontre du règlement intérieur de Wimbledon qui interdit les drapeaux et les bannières sur le court, les effusions de Salmond n'ont pas été du goût de David Cameron - le premier ministre britannique - qui a déploré le geste de son homologue. La classe politique, tant écossaise que britannique, a également largement critiqué l'attitude de Salmond, l'accusant de vouloir récupérer la victoire de Murray à des fins politiques. Alex Salmond a confirmé qu'il assumait entièrement son geste. Le premier ministre écossais est le leader du SNP, le Scottish National Party, et ne fait pas mystère de ses convictions indépendantistes. Le scandale du saltire de Wimbledon est loin d'être son premier fait d'armes : il avait notamment proposé lors de l'organisation des Jeux Olympiques de Londres de faire reconnaître par le CIO l'appellation « Scolympians » pour désigner les athlètes britanniques-écossais. La victoire de Murray, regardée par près de 17 millions de téléspectateurs au Royaume-Uni était donc, pour ce fervent partisan du « Yes », l'occasion rêvée de faire valoir son engagement.

En attendant 2014

Qu'en est-il du champion ? Face aux enjeux soulevés par la question du référendum, Andy Murray ne s'était jusqu'alors pas clairement positionné. Mais alors que de nombreuses célébrités écossaises (Ewan MacGregor ou Sean Connery) prennent officiellement parti pour le « Oui » ou pour le « Non », le tennisman a déclaré dans la foulée de sa victoire qu'il donnerait prochainement son avis sur l'indépendance écossaise. Le cœur du « Roi de l'Écosse » penchera-t-il du côté de l'Écosse ou du Royaume-Uni ? Réponse dans les jours à venir.

Que la victoire de Murray soit britannique ou écossaise, qu'importe, jugent certains journalistes et commentateurs. Pour une fois, il convient de saluer la performance sportive et de laisser de côté la politique en attendant septembre 2014. Mais d'ici là, il est toutefois des erreurs à ne pas faire – à l'instar de la gaffe commise par le New York Times. Le 7 juillet dernier, la page Tweeter du célèbre quotidien se joignait aux autres journaux pour féliciter Murray avec un chaleureux « England rules ! ». Les commentaires, moqueurs, voire acerbes, ont aussitôt fleuri. Le statut a rapidement été modifié au profit d'un plus politiquement correct « Britain rules ! » - mais le mal était fait : « Confondre "anglais" et "britannique", il faut vraiment être idiot ! » juge un internaute. « Ou Américain. ». Alex Salmond n'aurait sûrement pas dit mieux.

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Alice Quistrebert
Bretonne pur beurre cultivant ses racines à l'IEP de Rennes, co – rédactrice en chef du magazine... En savoir plus sur cet auteur